Interview de Yann Arthus-Bertrand

En octobre 2015, nous avions organisé une projection publique et gratuite du film HUMAN en présence de notre ami Yann, une amitié née en 2010 lors d’une virée dans les Alpes de Haute-Provence. Mais une contrainte technique nous a empêché de diffuser le film au dernier moment. Malgré cet imprévu de dernière minute, nous avons passé un moment avec lui à Cannes, lors duquel nous nous étions promis mutuellement de proposer à nouveau cette projection…

Yann a tenu sa promesse et a mis entre parenthèses son agenda professionnel au Festival International du Film de Cannes, jeudi 12 mai, pour nous retrouver à Mouans-Sartoux. La projection a permis à plus de 400 personnes, dans deux salles simultanément, de voir ou revoir Human en version intégrale sous titrée de 3h20. Le public a pu ensuite échanger avec lui jusque tard dans la nuit.

Yann a posé ses valises à la maison le temps d’une nuit, l’occasion pour nous de partager un dîner végétarien entre amis et un petit-déjeuner, lors duquel il nous a donné une interview.


Un Jour, une photo : Yann merci, on a une tradition ici quand on reçoit des invités…

Yann Arthus-Bertrand : “…et on est bien reçu ici !” …

…on te propose de te saisir de ce bol tibétain, de choisir une mailloche, et de le faire sonner

(Yann se saisit du bol et le fait sonner, ses yeux traduisent l’étonnement). “C’est beau comme son hein ?!”

Ça donne de l’énergie paraît-il…

“ Ah bon j’en ai besoin ce matin (rire)… Tu sens le son qui rentre en toi dans ton bras… Et cette mailloche là, ça marche pareil avec ça ? (Yann prend la deuxième mailloche, un peu plus grosse, et fait à nouveau sonner le bol) C’est bien de commencer comme ça avant une interview, ça te met en condition… Excuse-moi je continue encore un peu… Ça me fait du bien…!”

Yann, après ton film Human, tu es optimiste ou plutôt pessimiste sur l’humanité ?

“ Comment tu veux que je te réponde à ça ? Vivre, c’est vivre avec ses contradictions avec ce qui est en toi : est-ce que je suis optimiste ou pessimiste ?”

Tu disais il y a quelques années “il est trop tard pour être pessimiste”

“ Oui, mais là, je parlais un peu d’écologie, d’environnement. C’est vrai qu’aujourd’hui, ça sert rien de pleurnicher dans son coin. Il y a un proverbe africain qui dit “il vaut mieux allumer une lumière que crier seul dans le noir”. Allumons tous une petite lumière ! Mais Human c’est un questionnement… Pourquoi n’est-on pas capable de vivre ensemble tout simplement, alors qu’on est capable de le faire dans ce mélange des oppositions ?”

Je rebondis justement sur Frederic Lenoir, philosophe et écrivain, qui, hier, nous parlais de son association SEVE “savoir être vivre ensemble”. Tu dis que l’un ne va pas sans l’autre… Tu parles souvent du vivre ensemble… Mais le savoir-être aussi c’est important ?

“Tu sais, je ne suis pas un philosophe comme Frédéric Lenoir, je suis juste une passerelle entre les personnes que j’ai interviewées et le public. C’est plus agréable de vivre en aimant et en partageant avec les gens plutôt que de vivre enfermé, en ayant peur des autres. Tout simplement. C’est évident, c’est que du bon sens tout ça !”

Ces derniers temps dans les publications tu parles beaucoup de ta famille de ta mère de ton fils…

“Tu fouilles dans mes interviews ?! ” (rires)

Non, on lit, on est curieux…

“ Peut-être qu’à 70 ans, on commence à réfléchir sur ce qu’on n’a pas bien fait, sur ce qu’on a manqué. Donc, tu essayes de rattraper. Le prochain film, Woman, sur les femmes, c’est peut être ça, un petit peu aussi…”

Par rapport a ta mère ?

“ Pas forcément par rapport à ma mère, par rapport à des choses que j’ai pas forcément comprises, des choses qui sont essentielles…”

 

Tu prends toujours un peu de temps pour faire de la photo ?

“ En ce moment, je prends pas de temps à grand-chose, c’est pas simple quand tu fais un film comme Human, c’est très compliqué de refuser de ne pas l’accompagner. Tu as tous les jours des demandes de projections, de festivals, dans le monde entier et comme c’est un film pour moi important, je pense que c’est mon devoir d’y aller et ça m’empêche peut-être de prendre du temps. Et puis on travaille en même temps sur le film sur les femmes. J’étais là hier soir à Mouans-Sartoux et tout à l’heure, j’ai une projection à Cannes, et demain en Pologne”

En octobre, tu nous disais que Human, c’était le film de toute une vie, ou presque ! “

Human c’est une espèce de truc, fort, qui cristallise un peu tout ce que j’avais envie de faire. C’est difficile de parler de quelque chose que tu as réalisé et que tu aimes bien. Voilà il y a beaucoup de maladresse dans Human mais… mais il y a beaucoup de beauté.”

Pour finir, l’endroit du monde qui t’a le plus stupéfait, un endroit où tu aimerais planter ta tente, ta cabane en bois avec ta famille ? “

C’est une question qu’on me pose souvent… Quel est le plus bel endroit du monde où tu as été ? Et je dis toujours : c’est chez moi, quand je rentre chez toi avec les gens que j’aime. Je suis toujours dans le prochain endroit que je vais voir plutôt que dans celui où je suis, que j’ai vu. Ce qui m’intéresse c’est là où je vais aller demain en fin de compte et le plus bel endroit du monde, c’est là où je vais aller demain ! C’est l’endroit où tu es bien avec les gens que tu aimes, c’est pas du paysage, c’est profond, c’est quelque chose auquel tu ne dois pas passer à travers. Le plus bel endroit du monde c’est la Terre, c’est partout avec ceux qu’on aime, avec les gens qui sont dans l’essentiel…
Je peux pas te dire grand-chose aujourd’hui (rires) je suis fatigué ce matin. Faut que je fasse tourner le bol tibétain beaucoup plus…”

Réalisation : Laurent Del Fabbro & Bruno Gros

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