Interview de Pierre Rabhi

Pierre Rabhi, fondateur du Mouvement des Colibris, agriculteur et essayiste, auteur de nombreux ouvrages sur l’agro-écologie et l’humanisme, notamment, nous a accordé un entretien exclusif en marge des conférences qu’il a données à Mouans­-Sartoux et Grasse, courant septembre 2016. A ses thèmes de prédilection comme le respect de l’environnement et du vivant ou encore la sobriété heureuse, Pierre Rabhi s’est aussi exprimé sur l’actualité et en premier lieu, sur les élections présidentielles de 2017.

On a une tradition ici, comme je te l’ai dit, quand nos amis viennent à la maison, de se saisir de ce bol que tu as devant toi, de cette mailloche, et de le faire sonner.

J’en ai un chez moi oui…. (Pierre saisit le bol et le fait sonner…)

…C’est du bruit qui fait du silence.

 

Pierre, on connaît ton parcours, ton engagement depuis 30, 40, 50 ans, notamment en matière d’environnement, de sobriété, en matière de vivre ensemble. Avec ton expérience, ton recul, est-ce que tu as l’impression, on en parlait tout à l’heure, est-ce que tu as l’impression que les choses vont dans le bon sens ?

Globalement, non, parce que je dirais que le rapport des humains avec la planète n’est pas bon. Ils sont résolument dans l’épuisement, la destruction, la pollution, les terres qui nous nourrissent sont tous les jours empoisonnées, il y a toutes ces problématiques de la faim dans le monde. Toutes les 7 secondes un enfant meurt de faim dans le monde, il y a beaucoup de détresse, même les gens qui sont dans la prospérité qui devraient être dans un certain bonheur, c’est dans ces catégories sociales que l’on constate une consommation exponentielle d’anxiolithique, c’est-à-dire qu’il y a la quête d’un bonheur. Comme on n’arrive pas à l’avoir dans notre réalité quotidienne, on va chercher des artifices pour avoir l’impression, etc. Le monde du divertissement explose littéralement, les stars, les machins, les trucs, tout ça augmente parce qu’il y a besoin de s’évader de la réalité. Et donc on n’est pas suffisamment face à la réalité.
Premièrement, je pense que l’Occident se circonscrit sur ses propres problèmes et oublie qu’il y a la planète et qu’il n’y a pas que l’Occident. Deuxièmement, je ne pense pas qu’on est en train de mettre vraiment en ancrage ou en réalité un paradigme qui préparerait une société plus apaisée, plus respectueuse de la vie, plus respectueuse d’elle-même, plus conviviale, plus généreuse, etc. On voit bien que la fabrication des armements n’a jamais été aussi perfectionnée, qu’aujourd’hui l’art du meurtre prend beaucoup plus la place que l’art de vivre.

Et donc du coup, il y a un gros problème. Donc pessimiste, optimiste, je ne sais pas qui disait, le pessimiste c’est un imbécile triste et l’optimiste est un imbécile heureux, ça c’était Bernanos qui disait ça. Et je pense qu’on en est là, il faut maintenant un certain réalisme pour voir les choses très concrètement et savoir est-ce que nous sommes capables d’infléchir l’histoire ou est-ce que nous sommes embarqués dans un bateau selon la formule de Fournier, nous ne savons pas où nous allons, mais nous y allons.

Les économistes, les écologistes utilisent depuis quelque temps une expression, un mot qui s’appelle la croissance verte, c’est un élément de langage, pour toi ce sont deux mots qui sont antinomiques, croissance et croissance verte. Disons qu’on invente énormément, il y a tout un langage stratégique aujourd’hui qui a l’air de dire mais qui ne dit rien, et très souvent c’est ça. La première croissance verte qu’on devrait faire c’est de foutre la paix à l’Amazonie, arrêter de détruire déjà ce qu’on est en train de détruire, ce n’est pas de se projeter, parce qu’à ce moment-là on s’installe dans ce qu’on appelle le pompier pyromane, c’est-à-dire qu’on fait les dégâts et puis après on affame les gens par exemple en leur piquant tout ce qu’ils ont. Et puis on va leur porter des sacs de riz pour dire ah bah oui vous voyez comme nous sommes généreux, nous sommes déjà, ça ça s’appelle l’humanitaire. Je suis très respectueux des gens qui ont du cœur pour aller faire quelque chose, mais il faut de l’humanisme qui fait que le problème ne puisse pas exister, la faim ne devrait pas exister. Alors du coup on est constamment dans cette espèce d’ambiguïté entre le problème et la solution et du coup on ne prend pas les choses comme elles devraient être prises. Donc la croissance verte c’est un élément de langage, c’est juste pour appuyer. Je pense que le citoyen d’aujourd’hui, dont le cerveau aussi a muté, il est passé par une organisation du monde, de la société surtout au monde occident, ce qu’on peut rappeler que l’être humain aujourd’hui est mis hors sol, c’est la concentration urbaine, c’est l’éloignement de plus en plus des réalités naturelles, donc l’individu est hors sol pour des raisons historiques, parce qu’on avait besoin de main d’œuvre etc.

On a monté ces immeubles gigantesques dans lesquels on a rangé le matériel humain et les gens ont été entraînés dans la logique de l’industrialisation à outrance du capitalisme débridé, donc on est là-dedans. Parallèlement au fait que nous dégradons, on a développé un langage, un vocabulaire et un langage qui semblent dire les choses mais qui en fait c’est le langage aspiré, c’est-à-dire c’est pas le langage qui amène à l’ouverture. La première chose, si on était conscient et dans la volonté absolue de vouloir changer les choses, et bien déjà on changerait la pédagogie qu’on applique aux enfants.

Pourquoi diable faire que les enfants des tout-petits soient compétitifs ? Pourquoi ne pas en faire des êtres complémentaires et ne pas compétitifs ? Pourquoi diable la femme est subordonnée sur l’ensemble de la planète ? Et on considère que c’est totalement anormal, la femme ne doit pas être subordonnée, féminin et masculin doivent être dans un rapport d’équilibre, parce que c’est à cette alliance que nous devons chacun de nous notre propre existence, etc. Donc du coup, l’art de mystifier, l’art de faire croire que nous faisons alors que nous ne faisons rien, la COP21 pour moi c’est ça. Et tout cela c’est comment finalement produire du soporifique de façon à ce que les consciences de plus en plus s’abrutissent et ne soient plus vigilantes dans la réalité telle qu’elle doit être.

Et ce sont des stratégies, c’est tellement bien fait pour endormir les gens, pour faire qu’ils ne réfléchissent plus, pour leur inculquer des connaissances qui n’ont aucune valeur de vie, etc. Moi de ce côté-là je suis inquiet. Et donc il y a des réformes simples à faire.

Déjà si dès maintenant on apprend aux enfants à être solidaires et non pas compétitifs, si dès maintenant on donne la valeur à la petite fille et au petit garçon, si dès maintenant on met tout ça, au bout d’une petite génération, il y aurait déjà une mutation extraordinaire. Et pourquoi diable est-ce qu’on n’engage pas cela ? Voilà, c’est là ma question.

 

Dans un de tes livres, tu expliques que la moitié du territoire français est mobilisé pour nourrir les animaux. On connaît l’impact écologique, la consommation d’eau, le traitement  des sols. Et en bout de chaîne, il y a l’humain, sans parler de l’impact sur la santé. Tu parlais des enfants. On sait que l’école est un lieu d’apprentissage. Est-ce que l’école ne pourrait pas également servir à sensibiliser les enfants sur la souffrance animale et proposer déjà des menus dans les écoles, peut-être sans viande, comme ça se fait déjà ?

Mais encore faut-il déjà, je suis tout à fait d’accord qu’il y a toutes sortes de solutions qui pourraient être mises bout à bout et intéressantes, mais il faut savoir d’abord à quoi sert l’école. L’école pour moi c’est évident. On prend un enfant, on l’instruit et on en fait un adulte adapté au système. C’est tout. Ça ne sert qu’à ça. Alors que l’école devrait être, comme je le disais tout à l’heure, l’art de la convivialité, l’art de la solidarité, l’art justement de la reconnaissance les uns des autres. Et au lieu de cela, on amène l’enfant à regarder l’autre comme son rival, au lieu de regarder comme son complément. Si déjà on changeait le système, l’enfant regarde l’autre mais c’est mon complément et non pas mon rival, déjà il y aurait un changement.

Alors chacun, ce n’est pas la note 20, 15, c’est plus une évaluation qui prenne en compte, bien  sûr, qu’un être humain ne peut pas se standardiser parce que chaque être humain a des talents dans un endroit, a moins de talents ailleurs et c’est comment faire valoriser le talent, développer le talent de l’enfant de façon, mais dans un esprit, ce que j’apprends, je l’apprends pour les autres aussi, je ne l’apprends pas que pour moi. Déjà ça changerait les choses. Et là on n’est pas du tout dans cela, on est dans un système qui, en partant de l’idée d’une planète qu’il faut piller jusqu’au dernier poisson, jusqu’au dernier  arbre pour faire de l’argent, on aboutit à la planète au pillage.

Et il y a un livre remarquable que je recommande beaucoup, c’est celui d’Osborne qui est la planète au pillage qui a été publiée en 1947 je crois, si tôt après la guerre et qui refait, disons,  toute une rétrospective sur comment finalement les êtres humains se sont comportés vis-à-vis de la planète qui les a hébergés. Et nous venons aussi de commettre un ouvrage avec mon ami Jean-Marie Pelt juste avant sa disparition, c’était « Le monde a-t-il un sens ? ». Donc du coup, ce qu’a fait Jean-Marie, ça a été une rétrospective sur comment la vie s’est organisée sur la planète. Que de la coopération et que de la solidarité. C’est-à-dire que tous les éléments constitutifs du système vivant sont des éléments qui se regroupent pour que la vie puisse se déployer. Mais dans une posture qui n’est pas celle du pillage. Je dis souvent aux gens quand on fait des comparaisons, la fameuse loi de la jungle. Mais non, c’est pas vrai. Je dis souvent à un lion quand il mange une antilope, il digère son antilope. Mais il n’a pas de banque d’antilope, ni d’entrepôt d’antilope pour vendre aux copains. Il n’y a aucun prélèvement excessif par rapport aux besoins. Donc c’est les processus de la vie et non pas les processus de l’accaparement et de la dissipation. C’est l’être humain qui a amené l’accaparement, la dissipation et la dualité. Et la dualité, c’est-à-dire qu’il a introduit dans sa relation toutes les dualités raciales, culturelles, etc… Ce qui nous vaut cette planète convulsée en permanence par cette violence humaine, ces égorgements et le fait qu’on donne beaucoup plus d’importance à perfectionner les armes et l’art de tuer qu’à s’occuper de la vie. Pendant que la vie, on la néglige, non seulement on la néglige mais on la détruit, il y a des cerveaux qui s’intéressent simplement à l’art de la destruction et qui inventent des armes toutes plus horribles les unes que les autres en étant très fiers. On a même des salons où on va regarder le matériel à tuer.

Mais où est-ce que nous sommes ? Où est-ce que nous sommes en termes d’élévation de conscience ? Nous ne sommes pas. Je dis souvent, si des extraterrestres nous étudient, ils ne peuvent pas conclure que nous sommes intelligents. Ce n’est pas possible, impossible. Ils doivent se dire, mais qu’est-ce que ces gens-là, ils ont une planète magnifique, la planète leur offre tout, pour manger, pour se vêtir, pour se guérir, pour tout un faste extraordinaire qui doit réinstaurer non seulement la paix mais le bonheur absolu.

 

Pour parler d’élévation des consciences, comme tu dis, et de violence, on a l’élection  présidentielle l’an prochain et on sent déjà cette violence, on sent que l’élévation des consciences, ça ne va pas être pour cette élection. On serait tenté de dire Pierre Rabhi président ?

On est au cœur d’une chose que j’ai expérimentée en 2002. En 2002, on m’a poussé à me présenter aux élections présidentielles. Ça m’est tombé comme une tuile sur la tête parce que moi je n’étais pas du tout dans cette intention, pas du tout, pas du tout.  Pression sur pression, oui, oui, il faut que tu te présentes, etc. Alors je me dis, bon peut-être que j’ai fini après des insomnies de me dire, peut-être qu’il faut que je tente du coup. Mais qu’est-ce que je vais faire ? Alors j’y suis allé, mais on a établi, ce n’était pas dans l’ordre de, si vous votez pour Pierre Rabhi, tout ira bien. Ce n’était pas du tout ça. C’était notre 4 pages qu’on a édité, c’était le féminin au cœur du changement, c’était bien sûr l’agriculture, c’était l’éducation, c’était  la réforme de l’éducation, ce que j’ai raconté tout à l’heure par rapport à non pas la compétitivité mais à la complémentarité, etc. Mais c’était toutes ces choses-là,  l’utopie aussi parce que l’utopie on croit que c’est de la chimère mais la vraie utopie  c’est elle qui fait évoluer l’histoire. C’est parce qu’il y a des utopistes qui font évoluer l’histoire.

Ceux qui sont dociles, ils ne veulent rien changer, par sécurité, on reste comme ça, frileux, etc. Ils ne font pas bouger. Ceux qui font bouger c’est ceux qui transgressent. Alors on les regarde d’abord en disant qu’ils sont complètement cinglés et puis on s’aperçoit qu’ils avaient raison de transgresser, de ne pas rester dans le troupeau. Voilà. Donc c’était ça notre intention politique.

Phase des recherches des signatures. Alors on s’est dit, si on arrive à trouver deux ou trois mains en état d’ébriété pour nous, pour leur donner leurs signatures, ce sera déjà pas mal. Et on a frôlé les 200 signatures d’élus.Ces élus qui ont donné à des hurluberlus leurs signatures, c’est qu’ils partagent leur chimère ou leur folie. Donc on n’est pas si décalé que ça. Et toute la campagne, ça a été à peu près une trentaine de lieux qui se sont constitués en lieux forum civiques. Les gens ne sont pas venus en disant, si vous votez pour Pierre Rabhi, on va avoir ci ou Ça, c’est pas du tout ça. Ils se sont rencontrés sur les propositions qu’on leur avait faites comme base de réflexion. Donc c’est bien réfléchir là-dessus. Et enfin, les citoyens se sont appropriés et accaparés leur destin. Parce que c’est eux qui ont dit, nous nous voulons ensemble, nous voulons ensemble, nous voulons ensemble. Les politiques nous disent ça, mais nous voilà ce que nous voulons. C’est ce que je voudrais reproduire en 2017.

Quand on est conscient que ce n’est pas parce qu’on va passer de droite à gauche que les choses vont changer, mais parce qu’on va élever nos consciences et amener une réflexion, une réflexion intelligente des choses, mais pas une réflexion réactionnaire, réactionnelle par rapport à des pulsions qui sont des pulsions irrationnelles où les gens se mettent à hurler parce qu’il y a  telle personne, ou telle star, ou tel machin. Non, c’est véritablement, la transition est grave, extrêmement grave, parce que là, on joue notre vatout. Et donc, la transition étant grave, il faut passer par, véritablement, une conscience qui s’élève et qui définit les priorités. Les priorités, c’est quoi ? L’être humain et la nature, à partir de le rapport être humain et nature. Alors, on dit on tue la Terre, mais l’humanité elle est prétentieuse, elle ne tuera pas la Terre.

La Terre ne mourra pas par l’humanité, même si elle est blessée. Il y avait une petite histoire comme ça, d’une planète de l’espace qui rencontre la planète Terre, et l’autre planète regarde l’autre planète et dit, ah, ma pauvre, comme tu es dépenaillé, tu es mal foutu, qu’est-ce qui t’est arrivé ? Alors, la planète dit, elle ne m’en parle pas, j’ai attrapé l’humanité. Alors, l’humanité dit, ah, c’est que ça, mais moi je l’ai attrapé aussi, je m’en suis guéri, et tout va bien.

Et c’est exactement ce qui risque d’arriver. Parce que nous sommes, nous-mêmes, nous sommes tellement cons, je me permets, rarement j’emploie des mots comme ça, mais là c’est vraiment le mot qui convient, que nous détruisons la vie à laquelle nous devons la vie. Donc, pour aller jusque là.

L’autre jour, il y a une femme qui m’a demandé de faire une enquête sur l’eau. Je fais une enquête sur l’eau, je lui dis, Madame, vous êtes de l’eau, donc vous êtes en train de faire une enquête sur vous-même. Ce qui fait que cette séparation qui n’est qu’artificielle, la nature et nous, mais nous sommes la nature, et nous sommes les enfants de la nature, et si nous n’étions pas stupides, on prendrait soin de cette mère.

Quand les primitifs disent la terre mère, eux, ils ont raison. Quand le chef indien cite, les américains veulent acheter le territoire, et il dit, la terre ne nous appartient pas, c’est nous qui lui appartenons. Comment voulez-vous qu’on vende quelque chose auquel il n’y a pas ? C’est lui qui est intelligent et qui a raison.

Et c’est ça qui est la raison. Autrement, on peut imaginer que dans l’évolution générale, l’argent, je suis un hyper hyper milliardaire, ou un groupe d’hyper milliardaires, achètent la planète et nous serions tous des locataires. Pourquoi ? Parce que l’argent a pris tellement d’importance sur la vie qu’aujourd’hui, celui qui a de l’argent s’accapare au maximum. Il devrait y avoir des lois définissant le fait que la planète appartient à l’humanité, et n’appartient pas à un cartel de milliardaires. Personne ne peut appartenir, en aucun cas appartenir à un cartel de milliardaires. Ça, ça devrait être dans la constitution planétaire. Personne ne peut devenir propriétaire de la terre. Bien sûr, je suis petit propriétaire, quand on me dit, quel est votre logement, vous logez combien ? J’ai la chance d’avoir un logement de 20 hectares. Les autres ont des mètres carrés, moi j’ai des hectares.

Et donc, il devrait y avoir en quelque sorte une réglementation planétaire sur le fait que la planète ne peut pas être accaparée, puisqu’elle est le bien commun. De même, nous sommes sur une problématique absolument douloureuse et avec un enjeu terrible, c’est la disparition des semences. C’est-à-dire que les semences, depuis dix, douze mille ans, l’humanité a passé d’une génération à l’autre, d’une génération à l’autre, et c’est devenu un potentiel et un patrimoine collectif de l’humanité absolument remarquable, extraordinaire, une richesse et garant de la vie. Eh bien aujourd’hui, 75% de ce patrimoine a disparu. Alors on essaye de placer des OGM, etc. Mauvaise nouvelle, d’après il y a deux autres, Bayer achète Nesante.

Eh bien c’est terrifiant. C’est terrifiant parce qu’ils vont maîtriser complètement l’histoire des semences, et l’humanité, si on imagine le scénario tel qu’il peut se dérouler, l’humanité va être prise en étage par ces gens-là. Parce que qui n’a pas de semences ne peut pas vivre. Et comme la semence c’est la vie, eh bien à ce moment-là on risque de tomber dans quelque chose d’extrêmement grave, d’où la nécessité de résister. Nous nous essayons de faire, de tout faire pour attirer l’attention sur les gens, de la nécessité absolue de faire ces semences, et de les préserver. La transition est bonne.

 

On voit des mouvements citoyens naître partout dans le monde, en France, est-ce que tu penses que c’est plus par rejet de la chose politique, on voit que les politiques plutôt que d’être au service du citoyen sont au service d’eux-mêmes ou au service des lobbies, ou c’est plus parce que le citoyen a l’impression que lui seul a la solution ?

Le citoyen a la solution. Coluche, qui était un grand philosophe, on croit que Coluche c’est un amuseur public. Non, moi j’ai beaucoup apprécié Coluche dans ses remarques.Il dit une chose simple, il dit qu’il suffit de ne pas acheter pour que ça ne se vende pas. On ne peut pas résumer plus. Eh bien n’achetons pas, c’est tout. Et si ça ne se vende pas, les multinationales disparaissent.  Seulement si on se met en dépendance par rapport à tout ça, évidemment, d’un côté. Et malheureusement, c’est très difficile de sortir de là.

Moi je ne suis pas venu vous voir en carrosse ou en charrette. Je suis bien venu voir avec une bagnole dans laquelle j’ai un ami qui m’en a fait le plein, j’ai donné mes sous à je ne sais pas Total ou je ne sais pas qui, donc je ne suis pas cohérent. Mais comment je peux faire autrement ? Puisque je suis pris dans cette logique-là. J’aurais préféré une autre logique mais je suis là-dedans. Et à la maison, même si on s’est passé de l’électricité pendant 13 ans, non pas par volonté mais parce qu’on n’arrivait pas à nous l’installer, j’ai l’électricité. Ce que je dis, je ne dis surtout pas, laissez croire que je suis intègre moi-même. Je suis aussi dans cette contradiction. Et en même temps, dans cette contradiction, on essaye de se dire, est-ce que je peux vraiment changer les choses à partir de ma propre cohérence ? Au moins, je suis incohérent mais j’ai des espaces de cohérence et ces espaces de cohérence, j’essaie de les vivre. C’est tout ce que je peux faire. Et puis propager, et puis démontrer. Et j’ai la chance d’être dans une activité qui est vitale, c’est-à-dire l’agriculture. Et l’agriculture biologique, ce n’est pas l’agriculture de la destruction de la terre parce que l’agriculture malheureusement détruit la terre, détruit la diversité, etc.

Eh bien, on est là-dedans aussi. On n’est pas que dans les grandes envolées universitaires. On est dans des réalités. Heureusement, on crée. Voilà notre analyse. Voilà au moins des solutions concrètes que l’on peut promouvoir. Et ces solutions  concrètes, si elles étaient prises en compte par l’État lui-même, eh bien, l’État jouerait beaucoup mieux son rôle que d’être dans la sphère de la politique politicienne avec des controverses qui ne mènent nulle part, avec des alliances qui sont foireuses, avec la recherche du marché, du profit, etc. Aujourd’hui, il faut des… Et en même temps, on ne peut pas accuser les gens de la politique parce qu’ils sont élus. Bien sûr, un dictateur ne vous demande pas votre avis. Il fait comme ça et puis c’est fini. Mais quand la politique, à travers la démocratie, me donne le choix, me reconnaît le choix  et que je choisis, eh bien, il faut que je choisisse comme il faut. Alors après, on a des difficultés.

Moi, j’avoue que je suis là-dedans. C’est-à-dire que je vote beaucoup plus contre quelqu’un que pour quelqu’un. Parce que le coup de cœur qu’on a comme ça, la confiance de quelqu’un qui nous inspire vraiment et on a envie de le rejoindre, etc., je ne l’a vois pas. Parce qu’ils sont obligés de jouer la règle du jeu de la politique telle qu’elle est. Or, c’est la politique telle qu’elle est qu’il peut changer. Mais il n’y a que les citoyens qui peuvent. Les citoyens peuvent changer. C’est pour la raison pour laquelle on a créé le colibri. Le colibri, la petite légende, il y a le feu, l’incendie de forêt, les animaux atterrés, découragés et le petit colibri, lui, il va prendre quelques gouttes d’eau, il les jette sur le feu. Il s’active, il s’active et le tatou qui l’observe depuis un moment, qui dit qu’il est complètement cinglé, il dit que le colibri, ce n’est quand même pas avec ces quelques gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu. Le colibri lui dit, je le sais, mais je fais ma part. Voilà. Et bien, si on était nombreux à faire notre part, on arriverait à quelque chose. Mais ça ne peut pas être par décret, regarder simplement la télé, voir le débat politique protester ou adhérer, il ne suffit pas. Aujourd’hui, on est dans des réalités.

 

Réalisation : Bruno Gros & Laurent Del Fabbro

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