Interview de Frédéric Lenoir

Frédéric Lenoir, philosophe, sociologue et historien des religions, chroniqueur sur France Inter, nous a fait l’amitié de répondre à quelques questions. C’est lors d’un de ses nombreux ateliers-philo qu’il anime partout dans le monde, et plus précisément dans une école de Mouans-Sartoux , que nous avons pu échanger avec lui. Le “vivre ensemble”, le “savoir être”, la souffrance animale, la foi, la religion, le bonheur, l’amour sont autant de thèmes abordés dans ce long entretien.

Un jour, une photo : Frédéric, on a une petite tradition quand on reçoit nos invités, nos amis, c’est de faire “chanter” le bol tibétain que tu as devant toi…
(Frédéric se saisit du bol, de la grande mailloche et fait sonner le bol, en fermant légèrement ses yeux, comme pour s”imprégner des vibrations…)

Frédéric Lenoir : “Quand je dirige des méditations collectives je commence toujours par le bol…”


Le Tibet, tu connais je suppose ?

Je le connais mais je n’y suis jamais allé. Je suis allé au Ladakh au Sikkim, dans toutes les régions du nord de l’Inde où il y a une culture du bouddhisme tibétain mais je n’ai pas pu aller dans le cœur du Tibet chinois “sinisé”, parce que je pense que ça me rendrait triste. J’ai tellement lu de livres sur le Tibet, sur Lhassa, que de voir ce que c’est devenu aujourd’hui…. je le ferai un jour mais j’ai peur de le faire.

Tu as entendu parler du Bhoutan, petit pays situé entre l’Inde et la Chine, qui a cette particularité de ne pas avoir de Produit National Brut, mais un Bonheur National Brut, ça te parle ?

D’un côté c’est vrai ce qu’ils disent, mais c’est aussi une forme de boutade. Effectivement, ils ont raison sur le fond. On ne peut pas mesurer le bonheur des individus uniquement à travers l’économie. Et donc ce qu’ils disent, qui est très juste comme idée, c’est que le bonheur se mesure sur plein d’autres critères, l’éducation, la santé, l’épanouissement, le sens, la spiritualité…
Maintenant, je crois qu’il y a une limite à tout ça. Par exemple, l’ONU présente tous les ans un classement des pays les plus heureux, en fonction de critères environnementaux, comme les soins, la santé, la démocratie, mais aussi l’économie, critères qui, aussi important soient-ils pour l’épanouissement d’une société, ne sont pas les plus déterminants sur le bonheur des individus. On s’aperçoit, quand on fait des enquêtes d’opinion et qu’on demande aux individus s’ils sont heureux ou très heureux, en essayant de mettre une note sur ce bonheur, que les gens les plus heureux du monde se trouvent souvent dans des pays pauvres ! Dans des pays où il n’y a pas forcément de démocratie qui fonctionne très bien, où il y a peu d’accès aux soins et ainsi de suite.
Quand tu te rends en Afrique ou en Asie, dans certains villages où les soins sont une catastrophe, où l’éducation n’est pas terrible, tu rencontres des personnes extrêmement heureuses. Partout en Inde, que je connais bien, tu trouves dans des léproseries des gens très heureux ! Et puis tu vas ensuite dans des pays qui ont tout, la démocratie, les soins, la culture, l’économie et là tu vois des personnes qui prennent des antidépresseurs toute la journée. Ce qui montre bien que le bonheur individuel est d’abord relié à l’individu et à la manière dont il regarde le monde, le sens qu’il donne sa vie, la qualité des relations affectives, des liens qu’il y a autour de lui, l’activité qu’il aime ou pas.
Ce sont ça les déterminants fondamentaux du bonheur, plus que les critères environnementaux.

Cela rejoint les paroles de Nicolas Hulot qui dit parfois que “ceux qui ont tout se contentent de rien et ceux qui n’ont rien se contentent de tout”. En 2017, avec les élections présidentielles en France, ce serait utopique d’avoir un candidat qui prêche le bonheur, le vivre ensemble, l’amour autour de soi ? Est-ce que le pays, la France, est prêt ?

Ce qui se passe, c’est qu’on a un personnel politique qui n’est pas du tout dans ces idées là. Ce sont des gens assez technocrates, formés uniquement à l’économie avec surtout une culture politique du pouvoir et non pas une culture politique du vivre ensemble.
Il y a deux dimensions dans le politique : il y a le pouvoir et le bien commun. Et je dirais ce qui domine dans la tradition politique française actuelle, depuis un bon nombre d’années, ce sont encore des gens qui veulent accéder au pouvoir. Ce ne sont pas des gens qui ont comme priorité le souci du bien commun. Il y en a bien quelques-uns, je pense à des personnes comme Jacques Delors par exemple, qui ne s’est pas présenté d’ailleurs (aux élections présidentielles, ndlr), c’est quelqu’un qui avait d’abord le souci du bien commun. Le problème en France, c’est qu’il y a un rejet de la classe politique parce que les Français sentent bien que ce sont des ambitions personnelles qui sont visées. On le voit très bien avec les primaires où s’expriment des ego qui sont là pour essayer d’avoir le pouvoir et on sent bien qu’ils n’ont pas d’intérêt réel, profond, altruiste pour servir le bien commun. Ils ne pensent ensuite qu’à leur réélection. C’est ça qui ne fonctionne pas dans notre démocratie moderne. Nous ne sommes pas dans une culture qui favorise une émergence de dirigeants qui auraient envie que leur pays aille mieux, dans un monde global qui irait mieux. Nous sommes dans une culture de pouvoir.
Et pour sortir de ça, ce n’est pas simple. Il faudrait que des personnalités complètement atypiques, comme Nicolas Hulot par exemple, qui viennent de la société civile et qui ont un désir de faire évoluer les choses dans un souci du bien commun et puissent trouver après des relais auprès d’hommes politiques, parce qu’il faut bien avoir des députés. Mais le problème, avec une personnalité comme Nicolas Hulot, je pourrais citer aussi Boris Cyrulnik, des sages en fait, des personnes qui ont une vraie vision, c’est de savoir comment et avec qui vont-ils gouverner ? Quels seront les députés qui vont voter les lois ? On va retomber sur des personnes qui sont plutôt dans le pouvoir…

 


Est-ce que la réponse n’est pas dans ce que l’on voit émerger en France depuis quelques années dans les oasis Colibri, les collectifs citoyens, des quartiers autogéré ? Est-ce que la réponse finalement ne vient pas du citoyen ?

C’est ce qui se passe, comme le politique est bloqué dans un système où l’on sent bien que ce n’est pas par là que la société va bouger, la société civile a trouvé pleins d’autres solutions. Quand tu as de l’eau qui arrive et que ça bloque quelque part et bien l’eau passe ailleurs. Tout ce désir d’améliorer la société s’exprime en dehors du politique classique. Il s’exprime dans un politique citoyen qui est un politique associatif. On voit ça d’ailleurs à travers les communes où, souvent, les maires et les conseillers municipaux prennent des initiatives formidables qui améliorent le bien commun. Il y a davantage ce souci du bien commun à l’échelle locale qu’à l’échelle nationale. Et là, on a effectivement une autre vision de faire de la politique.
Vous savez bien ça à Mouans-Sartoux, c’est vraiment un lieu que j’aime beaucoup parce qu’il y a un souci du vivre ensemble qui est très fort. On trouve cela très souvent dans des communes où l’on voit que l’engagement politique soutient toutes les initiatives citoyennes, les associations, les réseaux, qui permettent d’améliorer la qualité du vivre ensemble à l’échelle locale. Parfois, ce sont des réseaux qui ont une vie internationale et qui sont connectés avec d’autres réseaux dans le monde. Je crois que c’est effectivement comme ça qu’il faut avancer aujourd’hui. Maintenant, il faut espérer que les consciences évoluent suffisamment pour que, progressivement, il y ait un personnel politique, des gens qui se présentent à la députation, des gens qui seraient candidats dans les grandes élections nationales, soient également dans cette démarche.

Le vivre ensemble, pour toi, c’est la question essentielle des Présidentielles, en 2017, en France ?

Je crois que c’est l’une des deux questions essentielles, mais je pense qu’il y a une autre question essentielle : c’est le savoir-être, et que l’un ne va pas sans l’autre.
Pour le dire autrement, je pense que les deux choses clés, pour que l’on puisse aujourd’hui avancer, c’est à la fois de gérer la dimension collective pour apprendre à vivre ensemble, à se connaître, à partager des valeurs communes. C’est essayer de créer des liens, des réseaux de solidarité, de soutien, de partage, etc, c’est nécessaire dans une société…
La deuxième chose, c’est que ça ne pourra fonctionner que si les individus se transforment eux-mêmes. C’est un peu la phrase de Gandhi “soyez le changement que vous voulez voir dans le monde”. C’est à dire que si on essaye de travailler pour le politique, le vivre ensemble, il faut également faire un travail sur soi-même.
Celui qui l’a très bien expliqué, c’est Spinoza. Au 17e siècle, il est l’inventeur de la modernité politique, un siècle avant Voltaire et Kant ! il nous dit qu’il faut sortir des royautés, intolérantes. Il faut aller vers des démocraties politiques qui vont permettre aux individus d’avoir une liberté de conscience et d’expression. C’est le fondateur de la modernité politique et il nous dit également que cela ne suffira pas. C’est pas pour autant que vous aurez une liberté de conscience et d’expression et des lois que vous allez pouvoir fonctionner ensemble. Ça ne marchera que si les individus sont heureux et joyeux, s’ils arrivent à éliminer ce que Spinoza appelle leurs passions tristes, la colère, la jalousie, la violence, le désir de dominer, le ressentiment, l’envie. Tant que vous avez des individus qui sont dans ces émotions, vous n’arriverez pas à faire du vivre ensemble. Parce qu’il y aura toujours de la violence, le désir de vouloir être supérieur à l’autre, de le dominer etc…
On le voit bien aujourd’hui, si les individus n’ont pas fait un travail sur eux-mêmes, ne sont pas évolués dans leur conscience et dans leur responsabilité personnelle, la responsabilité collective ne fonctionne pas non plus.
Donc il faut les deux : le savoir-être et le vivre ensemble !
C’est d’ailleurs le nom d’une fondation que je viens de créer qui s’appelle SEVE, comme la sève de l’arbre, savoir-être et vivre ensemble parce que je pense que ce sont les deux dimensions essentielles pour que notre monde puisse aller mieux.


On voit depuis quelques mois des vidéos de l’association de défense animale L214 sur la maltraitance animale et donc on sent aussi que l’opinion et les consciences évoluent. Quel est ton sentiment sur le sujet ?

C’est une chose très positive, il faut dire les choses honnêtement et je suis le premier concerné : on ne voulait pas voir ce qui se passe dans les abattoirs. Je ne suis pas végétarien, je ne mange pas beaucoup de viande, mais j’en mange un peu, de temps en temps, et j’ai toujours un peu mauvaise conscience parce que je me dis que je ne sais pas très bien comment l’animal a été traité. Mais on ferme les yeux là-dessus, on délègue à d’autres le soin de tuer pour nous et on ne va pas trop voir ce qui se passe…
Et là, L214 montre l’abomination des abattoirs – j’en avais même pas conscience à ce point là, – non seulement que les animaux sont tués à la chaîne, dans une atmosphère absolument épouvantable, mais en plus ils sont maltraités ! C’est horrible.
On se dit, est-ce qu’on peut encore continuer à manger de la viande, si ça se passe comme ça ? Je pense que ces images nous permettent d’être conscients de la réalité, ça nous met dans une situation de responsabilité : va-t-on continuer à manger de la viande, ou pas ? Est-ce qu’on peut faire évoluer le système ?
Grâce aux vidéos de L214, les députés s’emparent maintenant du sujet. Il faut espérer que les parlementaires vont imposer des normes de surveillance, notamment avec des vidéos, de ralentir les cadences. notamment. Mais la logique dans laquelle on est, est une logique industrielle. On traite donc les animaux comme des objets, comme des voitures, à la chaîne. Il faut sortir de cette logique.
Je crois que la seule solution, si on ne veut pas être dans le végétarisme, qui est quand même la meilleure solution si on veut être sûr de ne pas maltraiter les animaux, c’est de créer une sorte de label éthique. Qui permettrait de vérifier que de sa naissance jusqu’à sa mort, l’animal soit bien traité. Qu’il vive normalement, en plein air, qu’il mange des aliments qui soient faits pour lui, qu’ils soient transportés de manière correcte, et qu’il soit abattu dans des conditions décentes. Tuer un animal, c’est un sacrifice, c’est un acte sacré, on ne tue pas n’importe comment. Je crois que tout ça peut se faire, mais ça veut dire que la viande coûtera beaucoup plus cher et qu’il faut manger beaucoup moins… C’est la logique vers laquelle on va. C’est à dire d’avoir l’éveil de la conscience vers la sensibilité animale, vers la qualité aussi et c’est ce qui se passe avec le bio de manière générale. Il faudrait mettre en place des systèmes de validation et de vérification très poussés qui permettent finalement d’avoir ce label éthique qui fait que les gens pourront choisir. Soit je mange de la viande pas chère, dont on sait que l’animal a été maltraité du début à la fin, dans des élevages industriels. Soit je peux manger la viande, et je sais que l’animal a été respecté. Je vais payer ma viande deux fois plus cher mais j’en mange beaucoup moins. C’est un peu la logique vers laquelle on peut s’orienter.

Comment en parler aux enfants ? Peut-on pas leur montrer ces images et ces vidéos épouvantables des méthodes d’abattage ?

On peut quand même montrer des images, peut-être pas à 4 ans, mais aux enfants de 9-10 ans, oui, afin qu’ils sachent ce que c’est un animal qui a été tué dans un abattoir.
Je connais des enfants qui ont vu des images et qui m’ont dit qu’ils ne mangeraient plus jamais de viande. Ça entraîne une décision, oui, la réalité entraîne une décision.
Et même si on ne montre pas des images horribles, on peut néanmoins expliquer qu’il y a des animaux qui ont souffert et qui ont été tués parfois dans des conditions très douloureuses.

Justement, qu’est-ce qu’il ressort de tes ateliers-philo avec les enfants ? Quels sont les thèmes qui ressortent : l’amour, l’argent ?

On parle de tout, disons que les grands thèmes globalement c’est le bonheur, la liberté, l’amour et l’amitié, le vivre ensemble, l’autorité, la loi, tous ces thèmes qui sont les grandes expériences de la vie à la fois personnelle et existentielles, le sens de la vie et les expériences collectives.
Ce qui me frappe, c’est qu’il y a chez les enfants, une soif extraordinaire de parler et de s’exprimer. Il y a un grand désir de dire ce qu’ils pensent. Parce qu’à la différence avec les autres cours, je ne suis pas là pour transmettre quelque chose, mais pour écouter une parole et la faire circuler. Les enfants, finalement, n’ont pas beaucoup d’autres espaces où ils peuvent exprimer ce qu’ils pensent. Souvent, ils s’aperçoivent que leurs camarades ne pensent pas forcément la même chose qu’eux. Parfois, ce que dit leur copain est plus intéressant ou plus juste que ce qu’ils pensent. Ils apprennent à s’écouter, à débattre.
Ces ateliers-philo ont donc plusieurs avantages ! Le premier, c’est qu’ils permettent de libérer une parole, le deuxième est qu’ils donnent des règles de débat. On écoute l’autre on ne le juge pas. Toute opinion est bonne à dire. Puis après, on progresse dans la réflexion collective parce que quelqu’un va dire quelque chose à laquelle personne n’a pensé. Quelque chose qui fait réfléchir. C’est l’apprentissage d’une pensée à la fois personnelle, réflexive et collective. Et puis, ça peut permettre aux enfants de développer un discernement, un esprit critique, de s’apercevoir qu’on peut avoir au fond des opinions qui n’ont pas été vérifiées et qu’on peut argumenter, réfléchir. Je crois que c’est extrêmement utile parce que cela va leur permettre, même dans leur milieu familial, d’avoir une réflexion critique. Ils ne vont pas forcément recevoir et croire tout ce qu’on va leur transmettre – qui n’est pas toujours obligatoirement des vérités.

La religion, la Foi, elle est présente chez les enfants que tu rencontres ?

Très forte ! Je suis frappé de voir qu’à l’âge de 6-7 ans, jusqu’à 10 ans, où les enfants développent une pensée plus abstraite, je rencontre beaucoup de spiritualité. Très souvent, ils parlent de Dieu spontanément, ils se posent beaucoup de questions sur la mort, sur l’au-delà, il y a des questions métaphysiques très fortes et il y a quand même, chez beaucoup, une spiritualité.
Récemment, j’ai fait des ateliers-philo à Molenbeek, en Belgique, dans les “fameux” quartiers dont sont issus des terroristes qui ont commis les attentats de Bruxelles. Et ça m’intéressait de voir comment les enfants appréhendaient cela…
Les enfants étaient tous croyants, tous musulmans et chacun a pu exprimer sa spiritualité, sa foi. J’ai parlé des attentats… J’y étais 15 jours après les attentats de Bruxelles et les enfants ont évoqué leurs émotions, ce qu’ils ont ressenti : beaucoup de peur, de colère, de tristesse….
Puis il y en a un qui me dit qu’il était dans la joie, et je me suis dit : “tiens qu’est-ce qui te met dans la joie ?” Il m’a répondu qu’il était dans la joie parce qu’on avait tué les terroristes ! C’était un peu rassurant…
Un autre enfant m’a demandé pourquoi les terroristes avaient commis ces attentats ? Tous les enfants ont répondu : “ les terroristes sont fous !”. Un autre a dit que les terroristes ont agi ainsi parce qu’ils voulaient aller au paradis ! Et je leur ai posé spontanément la question sachant que les enfants étaient croyants : “est-ce que vous croyez qu’ils sont au paradis ?” Et là, ils ont tous hurlés, Nooooooooon ! Ils sont sortis de leurs gonds. Personne n’a levé la main… C’est un non catégorique et ça m’a donné un frisson…
Aucun enfant dans cette classe n’imagine que des terroristes ayant commis de telles atrocités, sont au paradis ! Alors j’ai demandé pourquoi ? Ils m’ont répondu que “si on tue des innocents, on va en enfer…ils ont dit que dans le Coran, il est écrit qu’on ne peut pas tuer. Ils citent des références, ils disent ce que leurs parents leur ont dit aussi, mais ils disent aussi que si on est religieux, si on est croyant, on ne peut pas tuer des gens. C’est ça que j’ai entendu de manière massive. Ils ont un discours très tolérant et très ouvert.
Ce sont des enfants qui sont élevés dans la religion, dans une religion ouverte, dans une religion qui apprend le respect d’autrui. Ce sont des enfants qui ont un sens très grand du partage et du respect. Lors de l’atelier sur le bonheur, ils m’ont dit qu’être heureux, c’est essentiellement aimer les autres, être altruiste, faire du bien…
On se rend compte que cette religion musulmane qui est décriée à cause du fanatisme, chez ces enfants de Molenbeek, c’est une religion qui leur apprend le respect d’autrui et ça, ça fait sortir un peu des clichés….

Un ami philosophe me disait “être heureux, c’est être heureux malgré tout.”

Oui, parce que comme le dit le Bouddha, la vie est une suite de souffrances et comme le dit Woody Allen aussi, la vie est une suite d’emmerdes et de problèmes, mais le pire c’est qu’elle s’arrête ! C’est à dire qu’au fond, on aime la vie malgré tout. Et être heureux, c’est être heureux aussi parce qu’il y a du malheur, parce qu’il y a de la tristesse.
Je pense qu’on aurait aucune conscience du bonheur si le malheur n’existait pas. Le malheur est présent, la souffrance et là aussi. Un jour, il y aura la maladie, la mort, on sera séparés de nos proches. Tout ça, c’est le quotidien de la vie et en même temps c’est le contraste, le jeu des contraires qui nous permet d’apprécier le bonheur.
Chaque moment de plaisir, de satisfaction, un rayon de soleil, un ami, un moment amoureux, une lecture qui nous passionne… Nous avons conscience que c’est merveilleux parce qu’on sait que demain, tout ça peut s’arrêter, qu’il peut y avoir des choses beaucoup plus lourdes. C”est parce que le malheur existe qu’on peut être intensément heureux.

Yann Arthus Bertrand dit souvent “agir rend heureux”. Tu partages son avis ?

Bien sûr ! Je pense que l’une des choses qui me rend le plus heureux, c’est d’agir, c’est l’action. Pourquoi je fais tous ces ateliers-philo à l’école ? Parce que j’ai le sentiment que ça fait un bien fou aux enfants, je vois la joie des enfants, le plaisir qu’ils ont eu à réfléchir. Transmettre quelque chose aux autres qui fait du bien, c’est l’une des sources du bonheur les plus importantes !
Et c’est ce que vous faites…

 

Réalisation : Bruno Gros & Laurent Del Fabbro

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