Interview de Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd

Réalisation : Bruno Gros / Laurent Del Fabbro

Paul Watson fondateur de Sea Shepherd Conservation Society et Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France nous ont fait l’honneur de nous accorder un entretien exclusif. Nous diffusons aujourd’hui cette interview dans laquelle Paul, désigné par le Times Magazine comme l’un des héros écologiste du XXè siècle, répond à nos questions sur les actions de sa fondation, et plus localement sur les thèmes de l’abattage des loups en France et du parc d’attractions aquatiques Marineland

Paul est-ce que tu peux nous rappeler dans un premier temps, brièvement, ce qu’est Sea Shepherd, une ONG, son but ?

Sea Shepherd est une organisation de défense des océans et sa spécialité est de lutter contre le braconnage. On a déjà toutes les lois tous les traités nécessaires pour protéger les océans mais ce qu’il manque c’est la volonté politique et économique de les faire appliquer. Donc la mission de Sea Shepherd c’est de faire en sorte de les concrétiser.


On sait que si Shepherd est très attaché justement à la légalité de ses actions pourtant cela se finit toujours relativement assez mal, les bateaux sont confisqués les militants sont mis en prison. Qu’est-ce qui se passe ? il y a des pays qui ne veulent pas reconnaître cette ONG ou alors est-ce que sur le terrain les actions ne sont pas si légales que ça ?

Le problème avec les activités illégales et le braconnage c’est qu’il y a énormément d’argent en jeu et certains politiciens aussi s’en mettent pas mal dans les poches, et on a souvent à faire des gens qui travaillent pour la police pour la marine pour ses gouvernement qui vont choisir finalement plutôt l’appât du gain par rapport à la protection de ces lois. Par exemple la flotte de pêche de chasse à la baleine japonaise est en contradiction avec les lois fédérales australiennes avec la Cour Internationale de Justice maintenant avec un moratoire international et pourtant ils arrivent quand même à utiliser Interpol pour traquer Paul. Donc ils arrivent à obtenir des choses alors qu’ils sont dans l’illégalité complète.


Je voulais justement rebondir sur cette réponse pour parler de quelque chose de très local. Chez nous dans les Alpes-Maritimes, le Préfet a autorisé le tir de “prélèvement” du loup alors que le loup est protégé à l’échelle nationale et européenne. Cependant le Préfet a pris un arrêté pour autoriser les chasseurs à abattre les loups. 1500 chasseurs ont même été formés pour cet objectif ! Qu’en penses-tu ?

Si le loup est protégé alors le Préfet devrait avoir à répondre de ses actes devant une autorité légale. il y a un parallèle avec l’ile de la Réunion et les requins. À la Réunion ils ont voulu tuer des requins dans la réserve marine et le maire a été condamné pour ça. C’est quasiment le même problème en Australie où ils ont voulu tuer des requins qui étaient protégés et on a pu empêcher cela en avançant sur le terrain de la justice.


Mais chez nous, ici, il n’y a aucune association ou maire qui s’attaque à l’arrêté du préfet et il y a un louveteau qui a été abattu il y a une semaine à 20 km d’ici.

Quand quelqu’un qui est en charge de faire respecter la loi finalement l’enfreint, ce qu’il fait au final c’est affaiblir tout le système légal de la justice dans sa communauté.


On va rester sur le plan local. On a non loin d’ici à Antibes, Marineland que tu connais, qui est le site touristique le plus visité de la Côte d’Azur. Il y a des orques, des dauphins, des otaries, des phoques. Il y a même des ours polaire. Qu’est-ce que cela t’inspire ?

Dans l’Empire romain la lutte des gladiateurs était le spectacle qui attirait le plus de visiteurs parce que les gens cherchaient le divertissement. Ce n’est pas parce que cela a du succès que c’est forcément une bonne chose et cette industrie des delphinariums et des aquariums est en fait l’industrie de l’esclavage de la vie marine. Il n’y a rien éducatif ou de pédagogique dans ces structures c’est juste une histoire de divertissement et ça rend cette activité absolument pas éthique.

Le bénévolat c’est plus qu’une pratique à Sea Shepherd c’est une philosophie. Est-ce que tu n’es pas tenté par la professionnalisation de ce bénévolat pour que l’association se développe encore plus ou souhaites-tu rester comme cela ? On sait que la professionnalisation peut avoir des avantages où ce que tu cherches est le bénévolat et l’énergie qui va avec ?

Le problème avec les professionnels c’est qu’ils ont tendance à se bureaucratiiser et a s’encroûter et finalement, ils font de moins en moins de choses alors que chez les bénévoles, il y a une passion qui se retrouve difficilement chez des gens qui sont professionnels.


Justement quel message vous aimeriez transmettre à des bénévoles a des personnes qui aimeraient donner du temps pour Sea Shepherd ?

En fait on encourage les gens à agir au niveau local même sur des campagnes internationales en tout cas à utiliser leur capacité à faire ceux qui savent le mieux et finalement c’est eux qui savent de quelle manière ils peuvent contribuer le plus efficacement pour la cause.


Il y a un message que tu communiques et qui consiste à dire que si on est prêt a risquer sa vie pour une baleine, on est prêt à travailler pour Sea Shepherd. Est-ce que c’est pas un peu fort ?

Ça n’a pas l’air de choquer grand monde de demander à des jeunes gens de risquer leur vie pour des plate-formes pétrolières, pour conquérir de nouveaux territoires ou pour des causes économiques. Donc risquer sa vie pour essayer de sauver des espèces qui sont en train de disparaître c’est bien plus honorable.


Le Times Magazine vous a désigné il y a une quinzaine d’années comme étant la personnalité écologique du 21e siècle. ça ouvre des portes ou ça en ferme ? quand je parle de porte je pense à des prisons aussi, des choses comme ça, c’est à double sens…

Je pense qu’on ne peut rien faire de significatif sans attirer des ennemis, le tout c’est de réussir à avoir le plus de soutien que nous pouvons. Dès que tu fais quelque chose qui compte, tu te crées forcément des ennemis.


Tu te définirais comment ? comme un pirate, un activiste, un militant ? quel est le terme qui serait le plus approprié ?

Je me définirais comme un combattant de la vie marine et quelqu’un de l’écologie profonde c’est-à-dire cette idéologie cette vision du monde qui consiste à vivre en harmonie avec les lois élémentaire environnementale, l’harmonie entre nous tous humains et le reste de l’atmosphère.


Je rebondis sur le titre de ton livre “entretien avec un pirate”. La terminologie de pirate en français est connotée, c’est le brigand qui volait. Donc utiliser le terme de pirate pour le titre de l’ouvrage c’est fort ?

C’est un sujet un peu complexe. En fait les gens ont commencé à nous traiter de pirates et je me suis dit puisqu’ils nous appellent les pirates, bien d’accord, on va être des pirates. C’est une façon de faire un effet boomerang et d’utiliser finalement ce avec quoi on nous attaque pour nous défendre. Et en fait quand on regarde l’histoire de la piraterie, ce n’est pas si négatif que ça. Il y a pas mal de très bon pirates et c’est par exemple Henry Morgan qui a mis un terme à la piraterie dans les Caraïbes. Il est devenu un vrai pirate et donc un vrai brigand le jour où il a été promu gouverneur…
Il y a aussi le pirate Jean Lafitte qui a permis de battre les Britanniques à la Nouvelle-Orléans. Il faisait des choses dans lesquelles il croyait et n’attendait pas après la bureaucratie pour que cela change Et en plus les enfants aiment beaucoup l’imagerie des pirates.


Dernière question Yann Arthus-Bertrand dit souvent “il est trop tard pour être pessimiste”. Est-ce que c’est un point de vu que tu partages ?

Je n’ai jamais été pessimiste. En fait je suis très optimiste car je crois dans les lois de l’écologie et même si les humains ne survivent pas je sais que la planète, elle, survivra.

 

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